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Le caractère juridique du mono et di glycéride d’acide gras et de la gélatine :
une étude détaillée suivant le fiqh hanafite
Par M. Louqmân Ingar
Membre de la Cellule de Fiqh du Centre Islamique de la Réunion et
de la Commission de Surveillance du Halâl de la Réunion
Le musulman a pour obligation de consommer une nourriture respectant des critères bien définis. Dans l’industrie alimentaire, trois produits illicites doivent ainsi faire l’objet d’une attention particulière :
l’alcool,
le porc,
la matière (viande, graisse,…) provenant d’un animal qui n’a pas été abattu selon le rituel musulman ou qui est mort avant l’abattage
Le caractère harâm de ces éléments est en effet clairement établi à partir du Saint Qour’ane et des Ahâdices. Ces produits sont parfois utilisés directement, en tant qu’ingrédient à part entière; d’autres fois, ils le sont de façon « secondaire », en tant que composant entrant dans la fabrication d’ingrédients destinés à apporter au produit final des caractéristiques spécifiques au niveau du goût, de la texture, de l’odeur… Ces ingrédients « secondaires », eux-mêmes, résultent souvent d’un procédé de fabrication industriel qui peut entraîner dans certains cas une modification chimique du produit original. Dans le droit musulman, cette modification de l’entité d’un produit vers une autre entité est appelée « Istihâlah » ou « Tabdîl oul Mâhiyah ».
1. Al Istihâlah
1.1 Qu’est-ce que l’Istihâlah ?
Ce terme désigne la modification de la nature et de la qualité d’un objet. C’est un changement qui intervient dans la réalité et la forme caractéristique d’un objet vers une autre forme. (Voir annexe 1)
1.2 Les conditions du Istihâlah
Selon les oulémas hanafites, l’Istihâlah se produit lorsque :
-un changement intervient dans le corps structurel de l’objet. (Un simple réarrangement de ses molécules ne suffit pas pour considérer qu’il y a Istihâlah.)
-une transformation des caractéristiques particulières et des qualités distinctives de cet objet se produit par action chimique ou autre. (Voir annexe 2)
Un exemple d’Istihâlah est la transformation de l’alcool en vinaigre, changement durant lequel a lieu une véritable modification de la structure moléculaire de l’alcool.
2. La gélatine
2.1 Définition
Il s’agit d’une substance protéique, provenant du collagène et rencontrée communément dans la peau et les tissus conjonctifs des animaux.
2.2 Sources
À l’échelle industrielle, la gélatine est fabriquée à partir de sous-produits de l’industrie du cuir et de la viande, principalement la peau et les os de porcs, ainsi que les os ou les dépouilles de bovins. Les phoques et les requins sont aussi d’excellentes sources de collagène.
2.3 Utilisation
La gélatine peut être utilisée comme épaississant, stabilisant, agent texturant ou gélifiant dans des produits comme les crèmes glacées, les confitures, les yaourts, la margarine… Elle est également utilisée dans les produits allégés pour stimuler la sensation de gras dans la bouche et créer du volume sans ajouter de calories. La gélatine est utilisée pour éclaircir des jus, notamment le jus de pomme, ainsi que le vinaigre.
Dans l’industrie médicale, elle est utilisée pour la fabrication de gélules.
2.4 Le processus de fabrication
La gélatine subit un long procédé de fabrication qui peut-être simplifié selon les étapes suivantes :
A. Extraction par ébullition en détruisant les liaisons moléculaires entre les brins de collagène et en enlevant les éléments indésirables autour du collagène.
B. Purification du collagène/gélatine par filtration et évaporation.
C. Broyage.
2.5 Est-ce que l’Istihâlah se produit dans le cas de la gélatine ?
Les chimistes, scientifiques et ingénieurs en agroalimentaires sont d’avis que la structure mère et la structure chimique de la gélatine et du collagène sont très proches. Bien que quelques réarrangements chimiques aient lieu, les mêmes acides aminés (molécules qui constituent une substance) se retrouvent dans les deux composants. La protéine de collagène est donc intacte et ne subit pas de changement.
Ainsi, le procédé de fabrication consiste essentiellement à extraire le collagène brut de la peau ou des os en le modifiant légèrement pour le rendre soluble tout en gardant ses propriétés gélifiantes. La nature et la caractéristique inhérentes au collagène n’étant pas modifiées, on ne peut dire qu’il y a istihâlah : la gélatine issue d’une source harâm ne peut donc être considérée comme étant devenue halâl suite à une transformation.
2.6 Les alternatives
Les solutions pour éviter l’usage de la gélatine issue des animaux ghayr mazhboûh (non abattus suivant le rite musulman) sont les suivantes :
A. Produire la gélatine à partir d’animaux halâl.
B. De nombreux industriels produisent la gélatine à partir des os. Selon les juristes hanafites, il est autorisé de consommer la gélatine produite à partir des os d’animaux ghayr mazhboûh qui sont ma’kul al-lahm (c’est à dire dont la viande est comestible suivant le droit musulman). Le problème, c’est que les industriels à l’heure actuelle ne font de distinction entre les différentes sources de gélatine. Néanmoins, s’ils sont suffisamment sollicités par les différentes organisations du halâl à travers le monde, certains pourraient agir pour résoudre ce problème.
C. Les industriels agro-alimentaires locaux qui utilisent la gélatine devraient être encouragés à utiliser la gélatine halâl (produite par exemple au Pakistan, en Malaisie…et certifiée par un organisme crédible).
D. La “gélatine végétale” ou la gélatine de poisson pourraient être une alternative bien que leur qualité ne soit pas aussi bonne que les autres gélatines.
2.7 Conclusion
La gélatine de source harâm n’est pas licite à la consommation étant donné qu’il n’y a pas d’Istihâlah de l’élément d’origine.